Nos cinéastes montent au front politique dès la fin des années 50. Affirmation culturelle, indépendance nationale, contestations des jeunes, lutte des classes : caméra au poing, on filme l'histoire en marche, on capte en direct l'extraordinaire ébullition qui secoue le Québec durant deux décennies. Après l'euphorie créée par le premier référendum, c'est la désillusion. L'enthousiasme des cinéastes pour la politique s'étiole quand il ne disparaît pas totalement. Sommes-nous passés de la politique au politique?
Au Québec, pudibonderie et hypocrisie ont longtemps plombé la vie, imposées par un clergé oppressif. Ainsi, entre 1913 et 1967, les officiers du Bureau de la censure sévissent, refusant la projection de plus de 6000 films venus de France et d’ailleurs. La révolution sociale des années 60 va faire tomber tous les tabous. Avec Valérie, Denis Héroux ose en 1968 « le premier film érotique », où il fait « exploiter ses ressources naturelles » à Danielle Ouimet.
Le documentaire s’est révélé un extraordinaire outil pour fixer non seulement l’état des lieux physiques à une certaine époque mais aussi leur géographie humaine, deux dimensions interreliées du pays. Rural ou urbain, le territoire se métamorphose rapidement, trop souvent au rythme des intérêts des acteurs économiques et politiques en place.
L'ivresse des débuts raconte non sans humour l'émergence, au cours des années 50 et 60, d'un cinéma québécois inventif, audacieux et libre, porté par la vision d'une équipe de jeunes cinéastes et producteurs francophones qui osent rêver un cinéma nouveau, libéré de l'emprise de la littérature. Cette approche collective de la création permettra aussi l'éclosion d'un nouveau cinéma de fiction, léger, souvent improvisé qui nous vaudra des chefs-d'œuvre tels À tout prendre de Claude Jutra et Le chat dans le sac de Gilles Groulx dont le personnage principal se présente ainsi : « Je suis canadien-français donc je me cherche. » Un cinéma au Je qui rejoint le Nous et qui se verra acclamé à travers le monde, ce dont témoignent ici François Truffaut et Roman Polanski au début des années 60.